Ah, les bâtards… Ils m’ont pas loupé.
Y’avait qu’à voir comment j’pissais le sang pour comprendre que j’flirtais entre la vie et la mort. C’était pratiquement une purge dans tous les sens du terme. On aurait dit un animal qu’on vidait et ce malgré l’fait que ma pogne gauche essayait de compresser tant bien que mal ma grosse blessure ouverte au niveau du bas ventre, tout à gauche. Malgré ma situation et le sillon ensanglanté que j’laissais derrière moi en avançant tant bien que mal à travers les quelques ruelles malfamées qui m’séparaient de mon but, j’avais un sourire aux lèvres. Un sourire jaune, mais un sourire quand même ; parfois déformé par des grimaces de douleur. Tous mes muscles étaient bandés et la sueur coulait à flot. Autant l’dire : j’faisais peine à voir. J’aurai pu m’diriger vers le cabaret de Calypso, mais j’avais trop peu confiance en cette meuf. Elle était capable d’me laisser dans ma merde, voire pire : m’achever. D’ce fait, y’avait plus qu’à regagner l’domicile de ma p’tite coconne adorée en espérant que son niqueur n’soit pas sur place. Pas comme si j’l’avais déjà vu d’ailleurs, tiens. M’tarderait de le rencontrer celui-là. Il avait mis l’grappin sur un p’tit brin de femme qui valait son pesant d’or… Parce qu’en dehors du fait qu’elle était plutôt mignonne, elle avait un pouvoir et des connaissances qui déchiraient tout comme l’diraient les jeunes…
- « KOF KOF KOF !!! B-Bordel… »
Et v’là pas que je dégueulais maintenant des gerbes de sang à n’en point finir. L’gout métallique était définitivement pas terrible. Déjà que ma gueule pleine de sueur était lamentable, voilà maintenant que des filets de sang perlaient aux commissures d’mes lèvres pour maculer mon menton plus que d’raison. N’importe qui en voyant uniquement ma gueule dans la pénombre criait au vampire sans rien comprendre à l’affaire. Et quelle affaire, heh ! Tout était partie d’un deal avec un autre gang loin de mes bases. Ces bâtards voulaient collaborer dans mon secteur en vendant d’autres types de drogues, ce que j’avais bien évidemment pas approuvé. Ils ont même essayé de m’acheter, me rallier à leur cause, mais rien à faire : j’aimais ma liberté et y’avait rien d’mieux que d’être le seul maitre à bord d’son bordel. Forcément, devant mon refus, les types ont pris la mouche et m’ont tendu un guet-apens ce soir même alors que j’ressortais satisfait de l’appartement d’un amante que j’culbutais à souhait et qui me payait quelques grammes de ma came. J’avais presque parfois l’impression que j’me prostituais, mais qu’importe. Là n’était pas l’plus important. Ce qui importait, c’était que ces enfoirés ont tenté d’me séquestrer comme on essaye d’enlever une gonzesse. Forcément, aucun n’en est ressorti vivant de notre affrontement…
Mais même si j’étais sorti victorieux d’ce combat, j’étais pas loin d’les rejoindre dans l’au-delà.
Paye ta destinée de merde…
- « P-putai… KOF ! KOF ! KOF ! »
Et alors que j’avançais petit à petit, une pensée effroyable me glaça le sang : son absence. Pire que la présence de son mec ou de ses connaissances. Si à cette heure de la nuit, elle n’était pas dans le coin, c’était ma mort assurée. J’avais même essayé de la joindre par téléphone (ou ce qui s’en rapproche dans ce monde), mais rien à faire. C’était donc ce qui m’avait obligé à progresser tant bien que mal vers son cocon personnel. Mais à mesure que j’m’approchai de son domicile, ma vue se floutait dangereusement. J’étais pris de vertiges, de nausées, de migraines en plus d’acouphènes qui vrillaient mes tympans. L’anémie n’était pas loin. Du reste, je fis fuir un couple de vieux qui passaient par là, lorsque j’émergeai enfin dans une rue plutôt bien éclairée et donc fréquentée. A cette heure de la soirée, ladite rue était néanmoins déserte et heureusement. Donner des explications ou attirer des foules était relativement chiant. Cahin-caha, j’finis par arriver sur le palier de la cruche et même devant sa porte, mais j’étais quasiment à bout de force. De mon bras de libre, j’me mis à tambouriner sa porte sans aucune vergognes, mais après une bonne dizaine de secondes à le faire, je tombai sur mes genoux, avant de glisser piteusement contre la porte… Et de finir au sol dans une flaque de sang qui s’agrandissait de seconde en seconde…